Au sein de la tendance réformiste, républicaine et laïque du féminisme français auquel appartenait Cécile Brunschvicg, la question religieuse a été écartée du débat, « pour préserver une neutralité qui semblait la condition d’une solidarité entre les femmes [1] », ce qui explique que les militantes ont souvent été discrètes sur leurs convictions religieuses ou antireligieuses. Pourtant, Cécile Brunschvicg distinguait elle-même dans la mouvance du CNFF les protestantes, les catholiques, et les laïques, écartant sciemment de cette description les « israélites » qui formaient le gros des troupes des laïques. C’est qu’en réalité, pour nombre d’entre elles et en particulier les protestantes, la foi a joué un grand rôle dans leur engagement et leur approche du féminisme [2]. Cette assertion paraît moins évidente si on l’applique à Cécile Brunschvicg qui faisait partie du groupe des laïques ; il serait cependant insuffisant de conclure que ses origines juives n’ont eu aucun impact sur son engagement. La notion de laïcité même mérite d’être interrogée, car elle véhicule autant l’idée d’un anticléricalisme militant que celle d’une neutralité bienveillante à l’égard des religions. Quelle fut l’attitude de Cécile Brunschvicg vis-à-vis de la place des religions au sein du mouvement féministe ? Comment a-t-elle réagi face aux évolutions que connut le judaïsme dans les années 30 au moment où la diffusion des doctrines nazies influa sur le sort des juifs allemands et la représentation des juifs dans les autres pays européens ?
1. Cécile Brunschvicg : un exemple de franco-judaïsme
Une volonté d’intégration
Cécile Brunschvicg est née dans une famille juive originaire de l’Est de la France. En effet, avant de s’installer à Paris, la famille Kahn habitait Belfort jusque 1852 ou 1856 [3]. La communauté juive d’Alsace et de Lorraine représentait alors 90 % des juifs installés sur le territoire français et était marquée par une résistance à l’assimilation et le maintien d’un fort particularisme juif [4]. Néanmoins, il est vraisemblable que pour la famille Kahn comme pour beaucoup de juifs émigrés, la migration à Paris a accéléré les processus d’assimilation aux modèles bourgeois. En tout cas, Cécile et Léon Brunschvicg, après leur mariage, s’installent dans le XVIe arrondissement, lieu de résidence privilégié de la bourgeoisie parisienne. Faut-il voir dans ce choix la volonté de s’éloigner des pratiques de la communauté des juifs de l’Est qui se retrouvent plutôt dans les IIIe et IVe arrondissement de Paris dans la deuxième moitié du XIXe siècle [5] ? En effet, Cyril Grange, dans le cadre de son étude sur la répartition de la bourgeoisie juive dans l’espace parisien, lie le déménagement de celle-ci dans le XVIe arrondissement, qui correspond à un éloignement des centres de la vie traditionnelle juive (VIIIe, IXe et XXe arrondissements), à une relative déjudaïsation de la frange bourgeoise de la population juive [6]. De même, les lieux de sociabilité fréquentés par le couple Brunschvicg, leurs cercles associatifs ou militants, creusets républicains d’intégration pour les minorités religieuses, dont le caractère laïc « exprime moins dans la plupart des cas, l’anticléricalisme que l’ouverture, que la tolérance politique et religieuse dans la lignée des Lumières ; bref l’adhésion de ses fondateurs aux valeurs républicaines [7] » manifestent cette volonté de s’intégrer. C’est le cas de la Société des Visiteurs dont Léon et Cécile Brunschvicg font partie [8], des universités populaires [9], ou encore de l’Union pour la vérité [10]. L’adhésion de Cécile Brunschvicg aux valeurs républicaines va de pair avec une grande admiration pour la Révolution française, qu’elle célèbre en 1939 en tant que membre du comité de la Révolution pour l’organisation de son 150e anniversaire. De par sa volonté de s’intégrer à une République dont elle adopte avec ferveur les valeurs, de par le patriotisme très exigeant dont elle se revendique, Cécile Brunschvicg est ainsi très représentative de ce qui a été appelé le franco-judaïsme [11] de ces juifs de l’Est, qui à partir du moment où ils ont accédé à la citoyenneté grâce aux lois de 1791, se sont transformés en militants dévoués de la chose publique, abandonnant leurs valeurs et leurs législations communautaires spécifiques. Ce modèle d’intégration, exception française, a permis aux juifs d’accéder aux plus hautes fonctions de l’Etat, pour devenir ce que Pierre Birnbaum a appelé des « juifs d’Etat » [12], dont Cécile Brunschvicg, par les fonctions qu’elle a exercées au sous-secrétariat d’Etat à l’Education Nationale est l’exemple même, juive d’Etat, au milieu de juifs d’Etat.
Avec quelle pratique religieuse ?
Il faut cependant nuancer cette représentativité car ce modèle intégrateur, s’il repose sur la séparation stricte des espaces publics et privés, offrait justement aux juifs la possibilité dans leur vie privée de demeurer fidèles à leurs propres traditions religieuses, et ce particulièrement au cours des divers cycles de leur vie personnelle. Or, Cécile Brunschvicg, quant à elle, a toujours affiché ses distances avec la pratique religieuse, se revendiquant « libre-penseuse [13] et laïque ayant élevé [ses] enfants hors de toute religion et leur donnant seulement des principes de moralité [14] », et en effet, ses fils n’ont jamais fait leur bar-mitsva et son enterrement n’a pas eu lieu en présence d’un rabbin. Or, dans la religion juive, la répartition des rôles au sein de la famille assigne à la femme l’éducation morale et religieuse des enfants ; « c’est la femme juive qui, à l’intérieur du foyer, perpétue la sensibilité juive et transmet les traditions et l’identité juives [15] ». Le choix d’éducation de Cécile Brunschvicg est donc particulièrement révélateur des distances qu’elle a prises avec la religion juive. Dans ce contexte, la célébration religieuse de son mariage avec Léon Brunschvicg dans l’une des plus grandes synagogues de Paris, la synagogue de la Victoire, le 23 mai 1899, en présence du Grand Rabbin de Paris Jacques-Henri Dreyfuss, peut surprendre [16]. Juliette Aubrun avance plusieurs hypothèses pour l’expliquer : ce mariage religieux s’expliquerait par la présence de rabbins parmi leurs ancêtres ou par la volonté de démontrer le bien-fondé du combat dreyfusard à un moment de grande violence [17]. Sur le plan religieux, cette cérémonie fait en tout cas figure d’exception dans la vie du couple Brunschvicg. Elle est certainement plutôt révélatrice, malgré le désir d’intégration qui survit chez les Brunschvicg après l’Affaire, de la persistance d’un sentiment de solidarité avec les juifs, qui s’est exprimé chez beaucoup de dreyfusards jusque-là assimilés et dont le judaïsme s’est révélé avec l’Affaire comme Victor Basch ou Theodor Herzl [18]. Il ne faut donc pas conclure à un effacement complet de la judéité de Cécile Brunschvicg comme nous le verrons plus loin.
2. La place de la religion au sein du mouvement féministe
Un espace de neutralité
Adhérant aux valeurs de la République, Cécile Brunschvicg se montre en particulier très attachée aux lois laïques mises en place sous la Troisième République. Elle adhère à la conception qu’elles induisent, celle de la séparation du religieux et du politique. Cela est manifeste dans sa façon de poser la question religieuse au sein du mouvement féministe. Cécile Brunschvicg, en raison même des statuts qui précisent que « l’action de l’UFSF est indépendante de tout parti politique et de toute opinion religieuse [19] » se refuse à professer en son sein une laïcité militante. La frontière n’est pas très nette entre neutralité et laïcité : elle signifie en fait que l’UFSF respecte les croyances de ses membres et que les questions religieuses ont été écartées du débat, et notamment la question de la pertinence du maintien ou non des lois laïques à l’école. Ainsi, lorsqu’un prêtre vient la rencontrer pour lui demander de prendre position sur le mariage des prêtres, car il estime que c’est une question qui concerne les féministes, Cécile Brunschvicg refuse d’ouvrir le débat, considérant qu’il ne concerne que les femmes catholiques [20]. Ce refus d’aborder les questions religieuses est tactique : il est le seul moyen pour l’UFSF d’attirer à elles des femmes catholiques, qui sont nécessaires à la représentativité du mouvement, et de démontrer aux sénateurs réticents, radicaux essentiellement, qui mettent en avant l’argument du vote conservateur des femmes pour leur refuser leurs droits politiques, « que l’on [peut] être même religieux sans être réactionnaire [21] ».
Les relations avec les autres confessions
Les catholiques sont donc les bienvenues à l’UFSF ; cependant, Cécile Brunschvicg accepte de travailler avec « les catholiques de foi, mais pas avec les catholiques qui s’occupent de politique [22] ». Dans son esprit, la frontière est nette entre religion et cléricalisme et l’ouverture de l’UFSF aux catholiques ne s’adresse qu’à celles qui partagent ses valeurs républicaines. Cécile Brunschvicg considère d’ailleurs que le rôle de l’UFSF est d’éduquer les femmes à penser par elles mêmes, dans « un esprit libre », et la collaboration des femmes catholiques à l’UFSF doit leur permettre de se détacher de l’influence politique de l’Eglise : « Vous comprendrez que je tiens essentiellement à voir venir travailler avec nous des femmes catholiques qui ne sont pas contaminées par le cléricalisme. J’estime que nous faisons là du bon travail républicain, car après avoir travaillé avec nous, elles n’accepteront plus les yeux fermés les mots d’ordre de qui que ce soit. » [23] Dans cette optique, elle essaie au maximum de collaborer avec les autorités religieuses, comme l’archevêché de Paris [24], et de leur démontrer que l’action des féministes n’est pas en contradiction avec les principes catholiques, ce qui n’est pas compris de certaines organisations de femmes catholiques. La Ligue Patriotique des Françaises [25] est la plus virulente à l’égard de Cécile Brunschvicg et de l’UFSF : elle défend à ses membres de s’affilier à l’organisation et diffuse de manière confidentielle des tracts condamnant son action. En 1925 à Paris, puis en 1929 à Elboeuf, en 1934 à Annecy où elle perturbe une conférence de l’abbé Viollet donnée sous les auspices de l’UFSF [26], ce sont toujours les mêmes accusations fausses qu’elle porte contre Cécile Brunschvicg, dans des tracts puis dans la presse qui reprend ses informations. On lui reproche de vouloir nuire à la famille, de s’être prononcée en faveur de l’avortement mais surtout on lui reproche cette neutralité, qu’elle réclame pour l’UFSF, « suspecte et d’autant plus dangereuse qu’elle camoufle des procédés et une doctrine anti-catholique qui se démasquent progressivement [27] », ainsi que ses liens supposés avec la franc-maçonnerie et son appartenance au parti radical qui « considèrent l’Eglise catholique comme une ennemie mortelle dont il faut se défaire à tout prix [28] ». De fait, les femmes catholiques sont relativement absentes de l’UFSF, ce qui justifie aussi que Cécile Brunschvicg tienne absolument à conserver auprès d’elle celles qui choisissent de ne pas écouter les recommandations des autorités religieuses. En 1933, lorsque les bulletins paroissiaux du diocèse de Poitiers multiplient leurs attaques contre l’UFSF, Cécile Brunschvicg demande aux membres des groupes du diocèse de soutenir la présidente du groupe de Niort, Mme Réchard et les autres femmes catholiques qui « ont le courage de tenir tête aux calomnies au risque de leur situation sociale [29] ». Ce sont deux conceptions de la religion qui opposent en fait Cécile Brunschvicg et les membres de l’UFSF aux militantes catholiques. Cécile Brunschvicg considère que la religion se réduit à la spiritualité et est une pratique privée, alors que la Ligue Patriotique des Françaises refuse précisément cette sécularisation de la société. Cependant, la volonté de Cécile Brunschvicg de respecter la foi catholique de ses membres ne peut être remise en cause : elle rend souvent hommage aux valeurs chrétiennes « de bonté, de charité et d’union » et se revendique d’un certain christianisme dans son action sociale : « Ce fut la gloire du christianisme […] en faisant appel à l’amour des hommes et à leur altruisme, d’avoir instauré un esprit nouveau ; esprit de charité et d’entraide qui anime aujourd’hui encore tous ceux qui ont conscience de leurs responsabilités et de leurs devoirs sociaux [30]. » C’est que la morale qui la guide est directement inspirée des valeurs chrétiennes, et « dans sa pensée le spiritualisme et la moralité [sont] aussi bien le fait des croyants que des libres penseurs [31]. » Sur le plan religieux même, elle est donc loin d’afficher un athéisme militant mais le fait qu’elle se revendique libre-penseuse sous-entend qu’elle « reconnaît à chacun le droit de défendre ses idées philosophiques ou morales » et se prononce par exemple en faveur du droit de vote des congrégations de femmes au nom de leur droit à défendre leur foi [32]. A l’égard des protestantes, Cécile Brunschvicg ne déploie pas de propagande particulière [33]. En effet, beaucoup plus que les catholiques, les protestantes adhèrent spontanément à l’UFSF, dont elles forment le gros des troupes avec les militantes juives. Les élites du féminisme réformiste se confondent avec les élites politiques du régime et beaucoup d’entre elles sont aussi venues à la lutte suffragiste par l’action philanthropique au sein du CNFF où elles étaient surreprésentées. Au sein du mouvement féministe, Cécile Brunschvicg appartient donc à un courant modéré, représenté en particulier par les féministes protestantes pour qui les questions religieuses ne doivent pas intervenir dans les débats et qui considèrent la laïcité comme « une volonté de neutralité de l’espace public, indépendant de toute religion mais garantissant les libertés religieuses [34] », à l’image des associations auxquelles elle appartient.
3. Face à la montée du fascisme : le bouleversement du statu quo
Comme pour beaucoup de juifs, l’arrivée au pouvoir d’Hitler en Allemagne constitue pour Cécile Brunschvicg une rupture. La mise en place d’un antisémitisme d’Etat en Allemagne semble devoir remettre en cause l’idée que les Israélites français se faisaient de la force de leur modèle intégrateur et leur fait craindre la montée de l’antisémitisme en France. Cécile Brunschvicg redéfinit elle aussi ses relations avec la religion juive et renoue à cette occasion avec la communauté juive parisienne.
L’aide aux émigrés allemands
En 1933, les premières mesures antisémites prises par Hitler, et notamment les premiers boycottages des commerces juifs, provoquent l’émigration de milliers de juifs en direction des pays européens. Selon des statistiques sujettes cependant à caution, 30 000 juifs en provenance d’Allemagne auraient ainsi choisi la France en 1933 [35]. Devant l’ampleur de la tâche, la direction du Comité Central d’Assistance aux Émigrés juifs, chargé d’accueillir les réfugiés d’Europe centrale et orientale depuis 1928, décide en avril 1933 de créer, pour les réfugiés juifs d’Allemagne, un comité spécial qui prend le nom de « Comité d’aide et d’accueil aux victimes de l’antisémitisme en Allemagne », patronné par des personnalités françaises juives ou désireuses de lutter contre l’antisémitisme comme le rabbin Lévy [36], André Honnorat [37], Justin Godart [38] et Paul Painlevé [39]. Cécile Brunschvicg décide dès cette époque de collaborer à l’activité du nouveau comité, dont les services commencent à s’organiser convenablement à la mi-mai, lorsque celui-ci s’installe dans le quartier de l’Opéra.
La création d’un service social
Dès le 15 avril 1933, celle-ci avait annoncé dans La Française la création d’un Comité d’Entr’aide Sociale et lancé un appel « à tous les Français de toutes religions, révoltés des brutalités des nazis et désireux d’apporter quelque réconfort aux victimes des persécutions hitlériennes » [40], prêts à accueillir ou à nourrir des réfugiés, à leur donner des situations au pair. Le 20 mai Cécile Brunschvicg convoque chez elle les personnes désireuses de collaborer au travail déjà entrepris par le comité d’accueil et il est décidé au cours de cette réunion d’établir cette collaboration en créant un service social, réunissant des visiteuses bénévoles chargées d’entrer en contact avec les réfugiés [41]. Le travail s’organise rapidement : le service social s’attache « à trouver des hôtels accueillants et bon marché » et « des repas dans des bonnes conditions », et à « organiser des visites à domicile » dans les hôtels logeant des réfugiés. Cependant, Cécile Brunschvicg qui éprouve rapidement des difficultés à organiser ces secours s’adresse d’abord à Justin Godart puis à Camille Chautemps [42] alors ministre de l’Intérieur pour obtenir des instructions officielles : « Nous rencontrons à l’heure actuelle dans l’opinion publique des courants si différents que nous aurions besoin les unes et les autres de directives précises. […] Nous estimons que si nous laissons entrer en France des réfugiés il faut s’en occuper et les aider à trouver du travail. La philanthropie n’aura qu’un temps, les fonds s’épuiseront vite et nous ne pouvons pourtant pas laisser chez nous des personnes auxquelles nous ne fournirons plus de fonds et auxquelles on ne permettrait pas de trouver du travail. […] Nous n’ignorons pas nous-mêmes que la question du placement est extrêmement délicate, nous nous rendons même très bien compte que le placement d’un certain nombre d’Allemands chez nous, pourra provoquer de nouvelles arrivées, mais que faire [43]. » Elle s’interroge sur la nécessité d’établir une réglementation des entrées, qui ferait une distinction entre les Polonais émigrés pour des raisons économiques et les Allemands privés de leur emploi « pour des questions politiques ou des questions de race ». Elle déplore également le manque de coordination entre les différentes personnes « de bonne volonté », « paralysées par un manque de direction » : « Il manque un chef qui prenne courageusement des initiatives et qui sache organiser un certain nombre de services pour les réaliser. […] Il faudrait, je crois, faire appel à un certain nombre de compétences et établir un plan d’ensemble d’accord avec les pouvoirs publics [44] ». Ses inquiétudes rencontrent celles des dirigeants des autres œuvres d’assistance : les 14 et 22 juin, un « Comité national de secours aux victimes de l’antisémitisme en Allemagne » est organisé sous la présidence du baron Robert de Rothschild [45], qui fédère toutes les organisations d’aide aux réfugiés juifs ; il dispose de moyens financiers énormes, d’un personnel nombreux et devient le seul interlocuteur officiel du gouvernement pour les problèmes de l’émigration allemande. Le service social organisé par Cécile Brunschvicg devient alors la Commission de service social et médical de la nouvelle organisation. Sur le modèle des organisations philanthropiques auxquelles elle a l’habitude de participer, ce service social, dont elle assure la présidence, est divisé en six sections différentes. Il réunit 45 membres actifs, dont environ 70 % sont des femmes appartenant majoritairement à la bourgeoisie juive [46] et collabore avec d’autres associations comme l’Entr’aide Européenne. Il est difficile d’évaluer l’importance que prend ce service dans l’organigramme du comité national [47] et l’ampleur du rôle de Cécile Brunschvicg. Il semble toutefois qu’elle ait assisté aux réunions des diverses commissions du comité national et à celles du comité exécutif [48] , véritable organe de décision du comité, dirigé par Robert de Rothschild et que ce dernier lui ait confié d’importantes responsabilités [49]. Quoi qu’il en soit, elle travaille en étroite collaboration avec la direction du comité, et notamment avec son secrétaire général, Raymond Raoul Lambert, rédacteur en chef de L’Univers Israélite entre 1935 et 1939, chargé d’appliquer les directives du comité exécutif et d’assurer les relations avec les différentes administrations. Quelques années plus tard, après son passage au ministère de l’Education Nationale, elle pèsera de toute son influence auprès de Léon Blum et fera obtenir à Lambert la Légion d’honneur pour ses services rendus à la « cause juive » [50].
Pourquoi s’engager ?
L’évaluation de l’ampleur de l’aide apportée aux réfugiés allemands par la communauté juive française diverge selon les historiens. Rita Thalmann, à la suite de Maurice Rajsfus [51], brosse un tableau assez critique des Français israélites entre 1930 et 1940, tandis que Jean-Baptiste Joly considère que leur action au sein des comités d’assistance avait surtout pour but de « maintenir une situation de monopole d’influence au sein des différentes communautés juives de France et […] d’éviter des manifestations politiques dont ils craignent d’être en fin de compte les victimes [52] », les émigrés n’étant qu’un enjeu secondaire dans les luttes d’influence qui opposent à Paris la communauté plutôt conservatrice et embourgeoisée, bien intégrée et la communauté composée de juifs venus en France à une date plus récente. Au contraire, les études plus récentes, tout en soulignant aussi la gêne ressentie par la communauté française devant ces réfugiés étrangers et sa crainte de voir se développer l’antisémitisme, montrent l’ampleur de l’élan de solidarité qui a permis de récolter entre 1933 et 1936 près de 15 millions de francs [53]. Dans le cas de Cécile Brunschvicg, son action est d’abord dictée par un sentiment de solidarité envers les juifs, même si elle refuse la notion de race, au nom de laquelle ont été prises les mesures antisémites en Allemagne, comme elle l’explique à plusieurs reprises : « Si j’ai pris pourtant cette chose en mains, c’est que j’estime qu’un Français ou une Française Juif doit ressentir l’affront qui a été fait à un Allemand persécuté en tant que juif et je regrette que plus de personnes n’aient pas eu le même sentiment que moi-même. Une grande partie de la colonie juive n’a rien voulu savoir, moitié par égoïsme, moitié parce qu’elle ne voulait pas donner d’argent. [54] » Mais par ailleurs, ses motivations sont aussi philanthropiques. Elle veut aussi mettre en avant que cette action, en dehors même de toute question de confession, relève d’un devoir de solidarité. Comme nous l’avons déjà dit plus haut, elle a fait sienne certaines valeurs du judéo-christianisme et c’est dans un « esprit » chrétien qu’elle désire agir, dans un esprit altruiste : « Je crois […] que dans les grands cataclysmes, la seule règle qui doive nous guider est celle-ci : faire aux autres ce que nous aurions voulu qu’ils fassent pour nous-mêmes si nous avions été à leur place [55]. »
L’action de Cécile Brunschvicg
Par l’intermédiaire des autorités militaires, le Comité national obtient, en juillet 1933, l’autorisation d’installer les émigrés dans trois casernes désaffectées à la périphérie de Paris (Porte d’Italie, Porte d’Orléans, Saint-Maur) et dans un ancien hôpital, Porte de la Villette. Dans chacun des bâtiments seront hébergées entre 100 et 300 personnes, de l’été 1933 au printemps 1934. Seul le bastion (c’est le nom qu’on donnera à ces anciennes casernes) de la Porte d’Italie restera ouvert jusqu’à la fin de juillet 1934. La Commission de Cécile Brunschvicg se préoccupe à ce moment essentiellement de l’amélioration des conditions matérielles de vie dans ces bastions, qui à l’époque furent l’objet de nombreuses descriptions critiques dans la presse et de la part des autres organisations de secours. Elle fait appel à une surintendante pour superviser l’organisation générale des bastions et sa commission s’occupe de « l’amélioration du couchage et de la nourriture, de l’organisation du travail et de la création de services annexes […] : infirmerie, salle d’isolement, vestiaire, garderies, foyer, organisation de cours de français, etc… ». Elle souhaite « relever le moral des émigrés, […] leur faire comprendre que la vie peut encore redevenir normale pour eux et qu’ils ont encore le droit d’espérer en l’avenir [56]. » Sa commission organise aussi un service d’aide aux enfants qui organise des colonies de vacances pour les enfants des émigrés. A la tête de la commission, elle en assure le fonctionnement général et ne s’occupe qu’à l’occasion de cas personnels, tâche qu’elle délègue à ses collaboratrices, dans un souci d’efficacité. Elle distribue des subventions aux différentes associations qui travaillent avec elle, s’occupe des négociations auprès du ministère du travail pour l’obtention de cartes de travail pour les jeunes filles allemandes qu’elle cherche à placer dans des familles françaises comme jeunes filles au pair [57] et assure la coordination de l’action de sa commission avec le comité national. Sans remettre en cause la politique officielle du comité national qui est celle de la France comme pays tremplin, qui doit accueillir seulement de manière transitoire les réfugiés qu’elle ne peut intégrer au sein de son système économique en crise, Cécile Brunschvicg s’efforce de trouver des solutions qui ne fassent pas concurrence aux travailleurs français. Parallèlement, elle s’est aussi occupée du placement des intellectuels allemands. Elle rencontre à Paris au printemps 1933 Marie Ginsberg, représentante du Comité international pour le placement des intellectuels émigrés, basé à Genève et l’aide avec sa collaboratrice Adrienne Vavasseur à mettre en place un comité en lui obtenant la caution de certaines personnalités [58]. Le comité de Genève fournit ainsi au Comité français des fonds, qui sont employés à la rémunération des intellectuels allemands émigrés placés en surnombre dans les instituts français. En ces circonstances, les solidarités féministes jouent aussi. Les amies allemandes de Cécile Brunschvicg lui recommandent certaines de leurs compatriotes licenciées mais cette dernière ne peut le plus souvent que donner des contacts et déplorer son impuissance [59].
La lutte contre l’antisémitisme
Officiellement, l’action du Comité national doit se limiter à la philanthropie et Cécile Brunschvicg ne souhaite pas elle-même donner une envergure politique à sa commission mais limiter son rôle à l’action sociale [60], elle éprouve cependant rapidement la nécessité de lutter contre « cette forme larvée de l’antisémitisme qui consiste à faire porter aux juifs la responsabilité de tout ce qui ne va pas, un peu comme nos sénateurs […] qui font toujours porter aux femmes la responsabilité de ce qui ne va pas dans les autres pays [61] » qui se répand rapidement en France et elle effectue à titre personnel de nombreuses démarches auprès de directeurs de journaux pour protester contre la tonalité antisémite de certains articles qu’ils font paraître. Elle écrit ainsi de juin à décembre 1933 aux directeurs de L’Aube, du Témoin entre autres et obtient de Marc Sangnier qu’il fasse paraître dans L’Eveil des Peuples du 24 décembre 1933 un article où elle fait le point sur l’aide apportée aux réfugiés allemands, pour prévenir les reproches des antisémites [62]. Finalement, elle s’adresse au président du Comité National et lui soumet l’idée d’organiser « une sorte de « Comité de Vigilance » pour surveiller la presse, la littérature, le théâtre, les conférences, l’action des différents groupes mi-littéraires, mi-politiques […] pour arrêter des campagnes dangereuses, des mouvements d’opinion tendancieux, […] contrebalancer enfin l’action des journaux ou des groupes subventionnés par la propagande hitlérienne [63]. » Elle n’échappe pas elle-même aux attaques antisémites. Sa participation au gouvernement du Front populaire en 1936 la désigne tout particulièrement à la vindicte des tenants de l’antisémitisme politique, qui devant l’accès de nombreux juifs à des emplois supérieurs de la fonction publique, dénoncent un Etat républicain qui serait devenu tout entier juif, la fiction d’une « République juive » [64]. De fait, le gouvernement de Léon Blum a été particulièrement visé par Maurras et toute la droite radicale ; Cécile Brunschvicg elle-même a souvent été citée dans les listes de personnalités juives censées entourer Blum, parues dans la presse à ce moment-là en nombre incalculable. Tracts, caricatures [65], chansons ou poèmes satiriques se multiplient pour dénoncer le gouvernement Blum et n’épargnent pas Cécile Brunschvicg. Ces attaques continuent bien après la chute du gouvernement Blum. En 1938, on peut lire sur un tract d’extrême droite : « Comprenez vous entre quelles mains, avec la bande juive des BLUMZAY-BRUNSCHWIG [sic], vous et votre Patrie êtes tombés [66] » et les Cahiers de la France nouvelle dénonçent aussi la curée des juifs sur les postes gouvernementaux : « A nous toutes les places ! clamaient pleins de convoitise les Zay, les Moch, les Abraham et les Brunswig [sic] [67] ». Cécile Brunschvicg est aussi victime d’attaques directes. Lors d’un voyage officiel à Strasbourg, des étudiants antisémites défoncent les portes, lancent des bombes lacrymogènes et des boules puantes dans le hall de l’Université où elle fait une conférence, l’empêchant ainsi de parler [68]. Le projet du gouvernement de modifier le régime de scolarité de l’Alsace-Lorraine a réveillé l’antisémitisme de la population catholique. Au sein du mouvement féministe aussi, des tensions se font jour. En 1937, à l’occasion d’un discours qu’elle prononce lors d’une conférence d’étude organisée par la LIFPL à Zurich, un fasciste lui lance un œuf en criant « Nous ne voulons pas de juifs », forçant l’AISF à annuler une conférence prévue en Pologne peu après, par peur d’attaques similaires [69]. Face à ces attaques, Cécile Brunschvicg préfère garder le silence. Elle ne fait nulle mention dans sa correspondance de ces incidents.
« Français d’abord »
Il est certain que la diffusion des théories nazies et la montée de l’antisémitisme en France ont provoqué un bouleversement de la relation que Cécile Brunschvicg entretient avec la religion juive. Sa judéité redevient un élément dont elle se revendique pour affirmer sa solidarité avec les Allemands persécutés. Mais cette identité, elle ne la considère pas comme première. On pourrait très bien appliquer à Cécile Brunschvicg ce que Françoise Collin dit à propos d’Hannah Arendt : « si elle pense et agit à partir de son inscription juive, dans une époque où celle-ci prend un sens radical, elle ne considère pas que cette inscription puisse être le déterminant d’une vision du monde [70]. » Pour Cécile Brunschvicg, son identité est française et non juive. Alors que jusqu’à présent l’influence sur ses convictions du modèle intégrateur du franco-judaïsme ne pouvait être qu’induite, elle s’en revendique désormais dans les journaux et dans sa correspondance [71]. C’est au nom de ce modèle assimilateur que Cécile Brunschvicg refuse les notions de race et de peuple juifs. Elle l’affirme avec conviction : le judaïsme est une religion, « il n’y a que des Français qui sont nés juifs, comme d’autres sont nés chrétiens [72] » et ne peut en aucun cas être assimilé à une patrie : « Je peux vous affirmer que dans le travail que je fais et que je peux comparer avec celui que je faisais avec les réfugiés français j’ai le sentiment très net que je travaille pour des étrangers et non pour des personnes qui ont la même patrie que moi. […] Je les sens très souvent loin de ma pensée et de ma façon de voir. C’est vraiment quand je suis avec les Français que je me sens chez moi [73]. » Pour elle, comme pour Hannah Arendt, « Le » juif n’existe pas et elle souligne avant tout les divergences politiques et philosophiques des juifs [74]. Comme ses contemporains, elle éprouve de fait une gêne et une relative incompréhension face aux juifs de l’Est qui ont gardé leurs traditions ancestrales mais refuse que cette incompréhension justifie leur rejet. Les impressions qu’elle a ressenties en visitant le ghetto de Cracovie lors d’un voyage qu’elle fait en Europe de l’Est en 1934 sont à cet égard exemplaires : « Je pense […] qu’il y a des traditions qui, à l’heure actuelle, ne sont plus de mise et qu’il faut supprimer car elles restent le reliquat du passé […]. Comme je vous l’ai dit hier, j’ai été moi-même à Crakovie [sic], j’ai visité le quartier juif et j’y ai vu bien des choses qui m’ont déplu, mais si j’avais un article à faire, en même temps que j’aurais montré ce qui m’a déplu, j’aurais montré aussi les qualités d’endurance et de résistance qu’ont éprouvé [sic] ces malheureux persécutés de toute part et qui ont dû faire des efforts pour « vivre ». Ces traditions dont certaines sont puériles et révoltantes, ont pourtant les unes et les autres, une base de moralité, d’hygiène même et de tradition que l’on n’a pas essayé de comprendre [75]. » Dans cette perspective, Cécile Brunschvicg ne peut que refuser le sionisme. Elle est alors tout à fait en accord avec la majorité des juifs français de son époque pour qui l’idée d’une nation juive ayant survécu à la dispersion et à la variété des destins historiques est incompréhensible et qui considèrent plutôt le sionisme comme une doctrine antisémite venue de l’extérieur [76]. Le rabbinat français considère que les doctrines nationales et politiques du sionisme ne peuvent pas s’accorder avec les principes du judaïsme français. Avant 1925, à Paris, très rares restent les juifs français à faire profession de sionisme. Yvonne Netter et Fernand Corcos, membre du comité directeur de la Ligue des Droits de l’Homme, tous les deux avocats et qui font partie de l’entourage de Cécile Brunschvicg, sont les rares représentants du judaïsme français à suivre leur exemple et c’est justement explicitement en opposition à ceux-ci que Cécile Brunschvicg refuse le sionisme [77]. Pour elle, le sionisme est un facteur d’antisémitisme car lorsqu’il prône la solution d’un Etat juif, il justifie les mesures antisémites en fournissant un remède aux conséquences de celles-ci. La question juive ne devrait pas se poser et les mesures hitlériennes sont une violation du droit des citoyens allemands de religion juive. Elle est bien consciente de l’existence de communautés juives non assimilées mais prôner la solution sioniste, non seulement risque de rendre impossible son travail de placement des Allemands en France [78], mais revient aussi à remettre en cause le modèle français, alors qu’elle l’estime le plus juste et le seul valable. Elle ne la rejette cependant pas complètement comme solution et comprend l’ « utilité de ces territoires où des populations traquées ont la possibilité de se réfugier » mais elle n’est valable que « pour ceux qu’une ingrate patrie a reniés, ou pour des populations non assimilées ou non assimilables [à] la vie de nos pays modernes [79]. » De manière manifeste, après 1933, le franco-judaïsme dont Cécile Brunschvicg ne se revendiquait pas ouvertement devient une doctrine de combat, un modèle qui doit être diffusé et devient l’aune du jugement des relations d’un Etat avec ses citoyens juifs. Contrairement à certains de ses contemporains, elle ne semble pas douter de la vocation universelle du modèle d’intégration français. Aux yeux de Cécile Brunschvicg, la montée de l’antisémitisme en Europe de l’Est et en Roumanie est due à la perpétuation des ghettos et à l’absence de lois favorisant l’intégration : « A ce propos on parle beaucoup de campagnes anti-sémites terribles en Roumanie et du développement de l’Esprit nazi dans votre pays. Est-ce vrai ? N’y a-t-il pas là des exagérations. Ce serait vraiment lamentable que l’esprit de Berlin gagne un pays latin aussi sain et aussi près de nous que la Roumanie. Il est vrai qu’il y a quantité de provinces où habitent des populations juives non adaptées, mais que fait-on pour ces gens, essaie-t-on d’en faire des Roumains ou les oblige-t-on au contraire à se grouper entre eux comme dans les ghettos d’autrefois. Ce serait bien malheureux et bien contraire à l’esprit actuel de la civilisation [80]. »
Les conséquences sur son engagement féministe
Au sein du mouvement féministe, l’implication de Cécile Brunschvicg dans le soutien aux émigrés allemands et sa lucidité vis-à-vis de la politique raciste hitlérienne semblent faire exception car comme l’a souligné Christine Bard, nombre de féministes sont à cette époque mal renseignées sur ce qui se passe en Allemagne, dénonçant « l’antiféminisme du régime bien plus que son antisémitisme [81] ». Alors qu’Yvonne Netter, une autre féministe, juive et sioniste, montre une profonde incompréhension du IIIe Reich [82], Cécile Brunschvicg reste très attentive au sort des juifs en Allemagne et Europe de l’Est jusqu’à la déclaration de la guerre. Elle n’écrit cependant que très peu dans son journal pour dénoncer cet antisémitisme du régime, soucieuse de conserver à l’UFSF, ainsi qu’à La Française, leur neutralité politique. Elle craint, et c’est une autre explication, que le combat en faveur de l’égalité des droits en France ne pâtisse d’un engagement massif des associations féministes en faveur de l’antifascisme, ce qui semble avoir été le cas dans les années trente où, pour bon nombre de féministes, « l’engagement féministe tend à s’effacer devant d’autres facteurs tels que l’engagement partisan ou la proximité idéologique avec un courant organisé, antifasciste ou pacifiste [83]. » En 1934, elle se prononce ainsi contre l’implication officielle de l’AISF dans une conférence internationale de boycottage de l’Allemagne ayant lieu à Londres le 28 et 29 novembre, exprimant ses doutes sur la pertinence d’une telle action : « Ne croyez vous pas que de prendre une attitude politique et anti-allemande pourrait nuire à nos groupements. Je suis, pour ma part, très perplexe. J’ai toutes les raisons bien entendu pour être anti-hitlérienne mais j’estime qu’avant tout nous ne devons pas faire dévier nos associations de leur rôle [84]. » S’engager dans une action antifasciste reviendrait à renoncer à une partie de son programme féministe. Or, comme beaucoup de féministes, Cécile Brunschvicg reste en fait attachée au programme pacifiste de l’Union Féminine pour la Société des Nations. L’avènement du nazisme n’a pas entraîné une révision de son programme même si elle paraît assez réaliste quant à la nature de la politique allemande et a bien conscience que l’Allemagne pourrait s’avérer un pays belliciste. Elle ne croit pas à son pacifisme : « Pour le présent, je suis comme vous assez inquiète des événements politiques, mais je crois pourtant qu’il n’y a pas de péril immédiat, ce qu’il faut pourtant c’est que les unes et les autres, tout en gardant notre mentalité de paix nous soyons sur la défensive et que nous ne prenions pas au sérieux tous les discours de paix faits pour l’extérieur, alors qu’à l’intérieur l’Allemagne arme tant et plus. Il est plus qu’évident que c’est pour échapper au contrôle qu’elle a quitté la Société des Nations. [85] » Elle attire aussi l’attention de ses lectrices sur la contradiction entre les discours pacifistes allemands et les actes politiques d’Hitler qui fait supprimer les associations pacifistes [86]. Cependant, elle considère que les féministes doivent garder leur mentalité de paix et « il est nécessaire d’accepter toutes les conversations possibles dans l’intérêt de la paix que nous souhaitons tous [87] ». Les événements la conduisent cependant à évoluer. Elle décide finalement d’impliquer de manière plus visible l’UFSF dans le combat antifasciste mais sans renoncer à sa volonté de neutralité, et privilégie les manifestations indépendantes organisées par les associations féministes réformistes. Avec la section française du Comité Mondial des femmes contre la guerre et le fascisme, fondée en 1934 par Gabrielle Duchêne [88], l’UFSF participe ainsi à l’organisation de la « Conférence internationale des femmes pour la défense de la paix, de la liberté, de la démocratie » organisée à Marseille en mai 1938, première manifestation indépendante des féministes. Le choix d’agir dans le cadre féministe ne la conduit pas cependant à mettre de côté la question religieuse et celle des persécutions contre les juifs. Lors des réunions de préparation de la conférence, qu’elle préside, elle insiste ainsi pour que soit prévue une intervention au nom de tous les cultes actuellement opprimés par les régimes totalitaires et que les discussions sur la démocratie comprennent la réaffirmation que celle-ci implique le respect des religions [89].
***
La judéité aura finalement joué un grand rôle dans l’engagement de Cécile Brunschvicg. Parce qu’elle est libre-penseuse, ses convictions religieuses n’ont eu aucun impact sur son engagement féministe, sinon sous la forme d’une très grande volonté d’ouverture à l’égard de toutes les religions. Néanmoins, sur le plan politique, ses origines juives sont directement à l’origine de son engagement républicain, de son patriotisme, qui font d’elle un modèle d’intégration et de franco-judaïsme, et elles expliquent aussi l’évolution de son engagement antifasciste. Menacée par les lois antisémites instaurées par Vichy, mais aussi par les écrits antisémites qui continuent sous l’Occupation à la désigner à l’attention des autorités [90], Cécile Brunschvicg est obligée de se cacher sous une fausse identité dans le Sud de la France à partir de 1942 et de l’invasion de la zone Sud par les Allemands [91]. A la Libération, Cécile Brunschvicg affiche les mêmes convictions qui l’ont toujours portée. Ayant souffert de la clandestinité, ayant perdu dans les camps quelques amies auxquelles elle rend hommage après la guerre [92], elle se fait à la Libération l’écho des crimes nazis, et publie une interview de Marie-Claude Vaillant-Couturier [93] qui témoigne au procès de Nuremberg [94]. Cette attitude est, d’après Sylvie Chaperon, assez exceptionnelle parmi les associations féminines qui restent en général silencieuses sur la déportation des juifs [95]. Dans le même moment, fidèle à l’ouverture qu’elle a toujours montrée à l’égard des religions, c’est le même message de réconciliation entre les confessions qu’elle essaie de faire passer, contre le retour du fascisme en demandant qu’il ne soit plus question de tolérance en matière raciale et religieuse, mais de respect [96].
Cécile Formaglio. « Cécile Brunschvicg, femme, féministe, juive, face aux défis de l’intégration et de la neutralité religieuse ».
Extrait du Bulletin Archives du féminisme, n° 9, décembre 2005 (dossier : « Féministes laïques de la Première vague »).
Notes
[1] Florence Rochefort, « Contrecarrer ou interroger les religions », Eliane Gubin, Catherine Jacques, Florence Rochefort [et al.] (dir.), Le Siècle des féminismes,Paris, L’Atelier/Les Editions ouvrières, 2004, pp. 347-363, citation à la p. 348. Retour
[2] Voir Geneviève Pujol, Un féminisme sous tutelle : les protestantes françaises, 1910-1960, Paris, les éditions de Paris, 2003. Retour
[3] Voir Juliette Aubrun, Cécile Brunschvicg (1877-1946). Itinéraire d’une femme en politique, mémoire de DEA, IEP Paris, 1992, p. 14. Retour
[4] Paula Hyman, « L’impact de la révolution sur l’identité et la culture contemporaine des juifs d’Alsace », Pierre Birnbaum (dir.), Histoire politique des juifs de France, Paris, Presses de la FNSP, pp. 21-38. Retour
[5] Avant son mariage, Cécile Brunschvicg habite boulevard Saint-Denis, puis elle emménage après son mariage dans le XVIe arrondissement, d’abord villa Dupont, puis rue Schaeffer. Retour
[6] Cyril Grange, « La bourgeoisie juive à Paris sous la IIIe République. Localisation et mobilité. », Cahiers d’Histoire, 1999, t. 44, n° 4, p. 645-673. Retour
[7] Sandra Dab, « La philanthropie laïque, facteur d’intégration des juifs sous la IIIe République », Philanthropies et politiques sociales en Europe : XVIIIe-XXe siècles, Paris, Anthropos, 1994, p. 105-112, à la p. 109. Retour
[8] Organisation philanthropique fondée en 1896 sous le nom de Société des Visiteurs pour le relèvement des familles malheureuses par André Spire et Hervé Bazin, auditeurs au conseil d’Etat, anciens condisciples de l’Ecole libre des sciences politiques, sur le principe de la visite des pauvres à domicile mais dont la laïcité est affirmée. Léon Brunchvicg est cité parmi les membres actifs dans S. Dab, « Bienfaisance et socialisme au tournant du siècle : la Société des visiteurs, 1898-1902 », dans Christian Topalov (dir.), Laboratoires du nouveau siècle. La nébuleuse réformatrice et ses réseaux en France, 1880-1914, Editions de l’école des hautes études en sciences sociales, 1999, p. 223. Pour la participation de Cécile Brunschvicg à cette association, voir CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF518, Cécile Brunschvicg à la Baronne Léonina, s.d. Cette information est corroborée par le témoignage de Louli Sanua dans Figures féminines 1909-1939, éditions Siboney, 1949, p. 11-12. Retour
[9] Léon Brunschvicg anima la première série de discussion en mai, juin, juillet 1900 de l’université populaire de Rouen « la Coopération des idées ». Cf. Lucien Mercier, Les Universités populaires et le mouvement ouvrier : 1899-1914, thèse de 3e cycle, Paris I,1979, p. 251. Retour
[10] Ce cercle d’intellectuels républicains, fondé en 1892 par Paul Desjardins, un catholique rallié, sous le nom d’Union pour l’action morale et qui prend ensuite le nom de l’Union pour la vérité, se veut ouvert à toutes les « bonnes volontés » – selon l’expression de ses fondateurs – laïques, chrétiennes, ou juives. Cécile Brunschvicg participa aux entretiens des 5e, 6e et 7e séries de 1908 à 1911. Retour
[11] Ce terme désigne le modèle français d’intégration des juifs, « mode emblématique d’une émancipation relevant d’un universalime égalisateur : il suppose donc la fin de l’ancienne « nation » juive et la relégation vers l’espace privé de toutes formes d’allégeances particularistes. » Cf. Pierre Birbaum (dir.), Histoire politique des juifs de France, Paris, PFNSP, 1990, p. 11. Retour
[12] Pierre Birnbaum, Les Fous de la République. Histoire politique des juifs d’Etat de Gambetta à Vichy, Paris, Seuil, 1994. Retour
[13] Les mots libre-pensée et libre-penseur peuvent avoir deux sens. Le premier, assez diffus, s’applique à ceux qui, ne reconnaissant d’autre autorité que celle de leur raison, s’affranchissent des croyances, des certitudes et des dogmes imposés. C’est la définition qu’en donne Albert Bayet dans son Histoire de la Libre Pensée (Paris, PUF, 1959). Le second renvoie à La Libre Pensée comme mouvement institutionnalisé, qui naît en France en 1848 et connaît son âge d’or entre 1880 et 1914. Cf. Jacqueline Lalouette, La Libre Pensée en France : 1848-1940, Paris, Albin Michel, 1997.En l’absence d’indication de l’appartenance de Cécile Brunschvicg à ce mouvement, il semble qu’elle emploie le terme dans sa première acception. Et même si on peut observer une grande diversité dans les opinions religieuses des membres de La Libre Pensée, son caractère essentiellement anticlérical militant ne correspond pas à l’attitude de Cécile Brunschvicg. Retour
[14] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF100, Cécile Brunschvicg à destinataire non identifié, membre du groupe UFSF du Quesnoy (Nord), 30 juin 1931. Retour
[15] Esther Benbassa, Histoire des Juifs de France, Paris, Seuil, 1997, p. 196. Retour
[16] Voir Archives du Consistoire, synagogue de la Victoire, registre n° 6628, Kettouba n°3568, 23 mai 1899. Citée par J. Aubrun, Op. cit., p. 22 ; p. 28. Retour
[17] La grand-mère de Léon était la fille du grand rabbin de Paris Seligman et le grand-père de Cécile, chantre, était le petit-fils du grand rabbin de Verdun. Voir Juliette Aubrun, Op.cit., p. 22. Retour
[18] Françoise Basch, Victor Basch. De l’affaire Dreyfus au crime de la milice, Paris, Plon, p. 37. Retour
[19] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF1, Statuts de l’UFSF, titre premier, art. 3, [après 1912]. Retour
[20] Cécile de Corlieu, Carnets d’une chrétienne moderniste de 1898 à nos jours, Paris, Privat, 1970, p. 31. Retour
[21] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF83, Cécile Brunschvicg à Mme Guilhot (membre du groupe UFSF de Tence), 2 mars 1936. Retour
[22] Dossier BMD, Congrès féministe international de Bruxelles, 1912, Article « Le Congrès féministe ». Retour
[23] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF64, Cécile Brunschvicg à Mme Lagueugnère (membre du groupe UFSF de Thouars), 28 décembre 1932. Retour
[24] « Je vous rappelle, Monseigneur, que sur votre demande j’ai retiré de la manchette de La Française le mot « journal d’éducation » afin que ce geste soit comme un symbole de notre désir d’entente et de conciliation. ». CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF117, Cécile Brunschvicg à Mgr Courbe, 9 février 1935. Mgr Courbe a fondé en 1931 l’Association Catholique française, destinée à coordonner toutes les associations catholiques. Retour
[25] Ligue de femmes catholiques, née en mai 1902, de la scission de la section parisienne de la Ligue des Femmes Françaises qui avait été créée pour lutter contre les mesures anticléricales de la loi de juillet 1901. Les deux associations, qui se refondent en 1933, cherchaient à grouper les femmes pour défendre la civilisation chrétienne, la famille contre l’émancipation féminine et le développement d’une société sécularisée. Voir Odile Sarti, The Ligue Patriotique des Françaises, 1903-1933 : a feminine Response to the Secularization of French Society, New York, London, Garland Publishing, 1992, 311 p. Retour
[26] Conférence du 21 décembre 1934 portant sur « l’union des forces spirituelles féminines en vue de l’éducation de la jeunesse ». Abbé Jean Viollet (1875-1956), prêtre du diocèse de Paris, fondateur de l’Association du mariage chrétien. Retour
[27] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF198, Copie d’un tract. Retour
[28] L’Etoile du foyer. Bulletin de la Ligue catholique des femmes françaises d’Annecy, « Ne vous laissez pas laïciser », mars 1935. Retour
[29] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF64, Cécile Brunschvicg à Mme Lagueugnère, 21 janvier 1933. Retour
[30] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF361, Brouillon de discours. Retour
[31] La Française, « Congrès national de l’UFSF », 7 juillet 1934. Retour
[32] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF83, Cécile Brunschvicg à Mme Guilhot (membre du groupe UFSF de Tence), 2 mars 1936. Retour
[33] J’ai repéré une seule occurrence de conférence faite dans le milieu protestant : le 29/04/29 à Rouen. CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF118, Cécile Brunschvicg à une destinataire non identifiée, 11 avril 1929. Retour
[34] Florence Rochefort, Op. cit., p. 349. Retour
[35] Chiffre cité dans Jean-Baptiste Joly, « L’aide aux émigrés juifs : le comité national de secours », dans Gilbert Badia, Jean-Baptiste Joly, Jean-Philippe Mathieu (et al.), Les Bannis de Hitler : accueil et luttes des exilés allemands en France : 1933-1939, Paris, Études et documentation internationales, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 1984, pp. 37-64. C’est de cet article principalement que je tire les renseignements sur l’organisation du comité national. Retour
[36] Isaac Lévy, grand rabbin de Bordeaux, puis grand rabbin de Paris. Retour
[37] André Honnorat (1868-1950), député des Basses Alpes de 1910 à 1921, sénateur des Basses Alpes de 1921 à 1945. Retour
[38] Justin Godart (1871-1956), homme politique, membre du parti radical, député du Rhône de 1906 à 1926, sénateur du Rhône de 1926 à 1940, plusieurs fois ministre. Retour
[39] Paul Painlevé (1863-1933), mathématicien, député de la Seine de 1910 à 1928, député de l’Ain de 1928 à 1933, président du Conseil à plusieurs reprises. Retour
[40] La Française, « Aux familles allemandes persécutées : un Comité d’Entr’aide sociale », 15 et 22 avril 1933. Retour
[41] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF520, procès verbal de la réunion du service social du comité d’accueil. Retour
[42] Camille Chautemps (1885-1963), homme politique, membre du parti radical, député d’Indre-et-Loire de 1919 à 1928, député du Loir-et-Cher de 1929 à 1935, sénateur du Loir-et-Cher de 1934 à 1941. Retour
[43] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF520, Cécile Brunschvicg à Justin-Godart, Paris, 3 juin 1933. Retour
[44] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF520, Cécile Brunschvicg à André Honnorat, Paris, 16 juin 1933. Retour
[45] Robert de Rothschild (1880-1946), vice-président du Consistoire israélite de Paris. Retour
[46] Sections travail, enfance, vestiaire, alimentation, enquêtes et visites, médecins. Cf. CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF520, Liste des membres de la commission de service social et médical, s.d. Retour
[47] Les archives du Comité national se trouvent dans les archives du Leo Baeck Institute à New York. Retour
[48] Raymond Raoul Lambert la convoque à une réunion du comité exécutif par une lettre du 15/12/1933. Cf. CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF520, Raymond Raoul Lambert à Cécile Brunschvicg, 15 décembre 1933. Retour
[49] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF520, Cécile Brunschvicg à Renée Lévy, 27 octobre 1933 : « Ce que vous ne savez peut-être pas c’est qu’en ce moment M. Robert de Rothschild m’a remis à peu près la totalité de la direction entre les mains, parce que cela ne marchait pas. J’espère pouvoir remettre cela d’aplomb avec des personnes de bonne volonté, mais la tâche est dure. » Retour
[50] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF531, Cécile Brunschvicg à Léon Blum, Paris, 30 novembre 1937. Retour
[51] Rita Thalmann, Etre femme sous le IIIe Reich, Paris, Laffont, 1982, 275 p. ; Maurice Rajsfus, Sois juif et tais-toi ! 1930-1940, les Français israélites face au nazisme, Paris, Etudes et documentation internationales, 1981. Retour
[52] J.-B. Joly, Op. cit., p. 45. Retour
[53] Diane Afoumado, « Les relations entre « les Israélites français » et les Juifs immigrés dans les années trente », Revue d’histoire de la Shoah, le Monde juif, mai-août 1999, n° 166, pp. 121-143. Retour
[54] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF520, Cécile Brunschvicg à Mlle Renée Lévy, 27 octobre 1933. Retour
[55] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF93, Cécile Brunschvicg à Jean Gaide, 25 avril 1933. Retour
[56] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF520, Rapport d’activité de la commission de service social du Comité National d’Aide aux Réfugiés Allemands de Cécile Brunschvicg, s.d. Retour
[57] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF520, Cécile Brunschvicg à M. Picquenard, Paris, le 23 décembre 1933. Retour
[58] Jean-Philippe Matthieu mentionne ce « Comité Vavasseur » parmi les organes de secours aux intellectuels juifs allemands fonctionnant à Paris en 1933 dans Jean-Philippe Mathieu, « Sur l’émigration des universitaires », dans Gilbert Badia, Jean-Baptiste Joly, Jean-Philippe Mathieu (et al), Les Bannis de Hitler : accueil et luttes des exilés allemands en France : 1933-1939, Paris : Études et documentation internationales ; Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 1984, p. 133-167, à la p. 155. Retour
[59] « Nous sommes très découragées ici, car nous ne pouvons pas faire tout ce que nous voulons pour les émigrés allemands ; les intellectuels sont pour ainsi dire impossibles à caser ». CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF182, Cécile Brunschvicg à Aenine Lowenthal, 25 juillet 1933. Retour
[60] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF520, Cécile Brunschvicg au président du comité d’aide aux victimes du fascisme hitlérien, 15 juillet 1933. Retour
[61] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF520, Cécile Brunschvicg à Camille Chautemps, ministre de l’Intérieur, Paris, 13 juin 1933. Retour
[62] Cet article paru sous forme de réponse à un article de Suzanne de Callias paru dans L’Eveil des Peuples du 17/12/1933 est édité en annexe. Retour
[63] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF520, Cécile Brunschvicg au président du Comité national, Paris, 3 décembre 1933. Retour
[64] Pierre Birnbaum, Un mythe politique : « La République juive », Paris, Gallimard, 1995. Retour
[65] Juliette Aubrun a repéré des caricatures dans les numéros de Gringoire du 10 juillet 1936, du 2 octobre 1936, du 26 février 1937, de Paris-Soir de janvier 1937. Voir J. Aubrun, Op. cit., Annexes. Retour
[66] Cité par Pierre Laborie, L’Opinion française sous Vichy, Paris, Seuil, 1990, p. 343. Retour
[67] Cahiers de la France nouvelle, « Les Juifs en France », n° 1, p. 16. Cité par Pierre Birnbaum, Un mythe politique… op. cit., p. 320 qui cite aussi L’Oranie populaire, 29 mai 1937, hebdomadaire algérien fédéral officiel du PPF. Retour
[68] La Française, 6 mars 1937 ; Centre de documentation et de vigilance, 4 mars 1937. Retour
[69] L. Rupp, Op. cit., p. 57. Retour
[70] Françoise Collin, « Point de vue grec et point de vue juif : Hannah Arendt », dans Liliane Kandel (dir.), Féminismes et nazisme, Paris, Odile Jacob, 2004,pp. 109-120, à la p. 109. Retour
[71] Voir son article « Français d’abord », paru dans La Française du 21 octobre 1933, ensuite publié dans L’Univers. Retour
[72] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF309, Cécile Brunschvicg à un directeur de journal non identifié, 29 novembre 1933. Retour
[73] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF520, Cécile Brunschvicg à Mlle Renée Lévy, 27 octobre 1933. Retour
[74] « Mais l’idée qu’il existe à l’intérieur de la France un bloc juif est une idée fausse. Peut-être dans les pays d’Orient, peut-être en Allemagne même y avait-il encore des blocs religieux ou judaïsants, mais en France, vous le savez fort bien, à part quelques groupes du IVe arrondissement qui représentent quelques centaines à peine d’étrangers juifs, il n’y a que des Français qui sont nés juifs, comme d’autres sont nés chrétiens, qui ne sont même pas religieux, qui n’ont aucune envie de choisir une autre religion parce qu’ils sont surtout libre-penseurs et que la question religieuse les préoccupe fort peu. Ils sont loin d’avoir tous les mêmes opinions politiques, les uns sont conservateurs, les autres modérés, les autres socialistes. Personnellement je n’en connais pas de communistes. » (CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF309, Cécile Brunschvicg à un directeur de journal, 29 novembre 1933). Retour
[75] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF297, Cécile Brunschvicg à Mme Coquerel, Paris, 1er mai 1936. Retour
[76] Catherine Nicault, « La réceptivité au sionisme de la fin du XIXe siècle à l’aube de la Seconde Guerre mondiale », dans Pierre Birnbaum (dir.), Histoire politique des juifs de France, Paris, Presses de la fondation nationale des sciences politiques, p. 92-111. Retour
[77] « Ce que je peux vous dire c’est que des personnes comme Yvonne Netter ou M. Corcos qui défendent votre thèse ont fait plus de mal ici que les antisémites » dans CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF520, Cécile Brunschvicg à Mlle Renée Lévy, 27 octobre 1933. Retour
[78] « A propos de la Palestine trouvez vous opportun des réunions comme celles que fait Louise Weiss en ce moment ? à mon avis cette campagne faite actuellement nous rendra le placement en France presque impossible. Quand nous demanderons un effort on nous dira « envoyez tous ces gens en Palestine » et il me semble que précisément il faudrait à l’heure actuelle distinguer deux sortes de Juifs. D’une part ceux qui sont assimilés et dont la patrie n’est pas le judaïsme, mais le pays qu’ils habitent et où leurs familles ont habité depuis souvent plusieurs siècles, et d’autre part ceux qui refusent de s’assimiler, qui veulent vivre entre eux avec des coutumes d’autrefois et qui n’ont pas de véritable patrie hors le Judaïsme. Il me semble que cette distinction devrait être faite en ce moment dans l’opinion publique par des hommes comme vous et M. Honnorat. Il est vraiment insoutenable d’assimiler ces deux catégories qui n’ont rien de commun ». CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF112, Cécile Brunschvicg à un sénateur (sans doute Justin Godart), 19 mai 1933. Retour
[79] La Française, « Français d’abord », 21 octobre 1933. Retour
[80] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF535, Cécile Brunschvicg à la Princesse Cantacuzène, 9 décembre 1933. La princesse Alexandrine Cantacuzène était la vice-présidente du Conseil International des Femmes, la présidente de la Société Orthodoxe Nationale des Femmes Roumaines et du Conseil National des Femmes Roumaines. Retour
[81] Christine Bard, Les Filles de Marianne. Histoire des féminismes : 1914-1940, Paris, Fayard, 1995, p. 296. Retour
[82] Ibid., p. 296. Retour
[83] Christine Bard, « Le dilemme des féministes françaises face au nazisme et à la menace de guerre (1933-1940) », dans Liliane Kandel, Op. cit, pp. 148-161,à la p. 148. Retour
[84] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF160, Cécile Brunschvicg à une amie non identifiée, 6 octobre 1934. Retour
[85] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF182, Cécile Brunschvicg à la princesse Cantacuzène, 2 novembre 1933. Retour
[86] La Française, « Soyons pacifistes… mais ne soyons pas dupes », 3 juin 1933. Retour
[87] CAF, Fonds Brunschvicg, 1AF309, Cécile Brunschvicg à un directeur de journal non identifié, 29 novembre 1933. Retour
[88] Gabrielle Duchêne (1870-1954), militante pacifiste, compagne de route du parti communiste. Retour
[89] BDIC, Fonds Gabrielle Duchêne, FDELTARES236 (21), PV de la réunion de janvier de la Conférence internationale des femmes à Marseille, 13-14-15 mai 1938. Retour
[90] Caricature dans le n° du 2 octobre 1941 du journal collaborationniste Au Pilori. Le Cahier Jaune, n° 1, novembre 1941 diffuse une chanson où elle est nommée. Retour
[91] « Témoignage de Marianne Baruch », Archives du féminisme, n° 2, été 2001, p. 6-9, à la p. 7. Retour
[92] La Française, « Les amitiés perdues », 19 janvier 1946. Retour
[93] Marie-Claude Vaillant Couturier (1912-1996), femme politique, députée communiste de la Seine de 1946 à 1958, déportée à Auschwitz en janvier 1943 puis à Ravensbrück, citée comme témoin au procès de Nuremberg en janvier 1946. Retour
[94] La Française, « M. C. Vaillant-Couturier, députée de Paris, retour de Nuremberg », 23 février 1946. Retour
[95] Sylvie Chaperon, Les Années Beauvoir, Paris, Fayard, 2000, p. 86. Retour
[96] La Française, « Respect et tolérance », 30 mars 1946. Retour