Bibia Pavard, membre du CA de l’association Archives du féminisme, a publié sa thèse dans notre collection aux PUR : Si je veux, quand je veux, Contraception et avortement dans la société française (1956-1979). Elle a obtenu le prix des Etudes sur le genre de la Ville de Paris pour ce travail. Il nous a paru utile de lui poser quelques questions pour mieux la connaître.
Extrait du Bulletin Archives du féminisme n° 20, déc. 2012.
– Christine Bard : quel est ton parcours universitaire ? Bibia Pavard : J’ai commencé mes études à Toulouse : une hypokhâgne, une khâgne et une licence d’histoire. Je suis ensuite entrée à Sciences Po Paris où j’ai préparé le diplôme et un DEA d’histoire contemporaine. Ayant pris goût à la recherche et souhaitant continuer en thèse, j’ai passé l’agrégation d’histoire et je me suis inscrite en doctorat à l’Institut d’études politiques de Paris sous la direction de Jean-François Sirinelli.
– Pourquoi le choix de ce sujet ? Des raisons historiographiques ? Des motivations plus personnelles ?
En DEA, j’ai travaillé sur les Editions des femmes, une maison d’édition créée par un des courants du Mouvement de libération des femmes français. Si j’ai voulu travailler sur le féminisme des années 1970, c’est parce que j’avais entendu parler de cette période par ma mère qui l’avait vécue comme un moment fort et passionnant. Pourtant, il a fallu que j’attende mon premier cours d’histoire des femmes à Sciences Po pour entendre parler du MLF ! Je me suis donc dit que c’était un sujet qui restait encore à explorer. Après mon DEA j’ai voulu interroger la place et le rôle du mouvement féministe dans la transformation de la société française des « années 1968 » pris au sens large des années 1960-1980. Il me fallait élargir la focale et c’est comme ça que j’en suis venue à travailler sur la lutte emblématique de la liberté de contraception et d’avortement qui permettait d’aborder les circulations, les oppositions, et l’institutionnalisation d’une revendication.
– As-tu été étonnée par certaines de tes découvertes ? En commençant à travailler sur les questions de contraception et d’avortement j’ai été frappée de la diversité des personnes et des groupes qui se sont engagées pour abroger la loi de 1920. Cela va des gynécologues aux francs-maçon-ne-s, des socialistes aux maoïstes, des gens ordinaires comme des personnalités, hommes et femmes. Le mouvement pour la libéralisation de la contraception et de l’avortement est en réalité très complexe. J’ai aussi été étonnée de la place de la question de l’avortement dans les luttes d’extrême gauche dans les années 1970, réalité qui est souvent oubliée.
– Comment as-tu vécu cette période de travail doctoral ? La thèse est une route sinueuse faite de grandes joies, de petites satisfactions et de moments de grands découragements. Cependant, j’ai pu bénéficier de l’insertion dans des groupes de travail, notamment sur le féminisme, et de la solidarité des jeunes chercheurs et chercheuses sur le genre que matérialise l’association Efigies. Cela m’a beaucoup aidée intellectuellement et psychologiquement !
– L’association Archives du féminisme a-t-elle facilité cette recherche ? L’association Archives du féminisme a été indispensable pour ma recherche. D’abord parce qu’elle a recueilli des archives essentielles désormais consultables au Centre d’archives du féminisme à Angers, je pense en particulier au fonds du Mouvement pour la liberté de l’avortement et la contraception (MLAC) ou encore le fonds Pierre Simon, médecin du Mouvement français pour le planning familial. Ensuite, j’ai participé à des colloques organisés par l’association où j’ai présenté les évolutions de ma réflexion, le dernier en date étant celui sur le Féminisme de la deuxième vague (Christine Bard (dir.), Le féminisme de la deuxième vague, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012). Enfin, l’association a financé la publication de ma thèse dans la collection « Archives du féminisme » aux Presses universitaires de Rennes.
– Quelles sont tes impressions au moment de la sortie de ce livre ? Avec la parution du livre j’ai le sentiment d’un aboutissement. Même si une recherche n’est jamais totalement terminée, j’ai l’impression que c’est un cycle de ma vie qui s’achève.
– Vers quelles recherches t’orientes-tu désormais ? Je suis toujours intéressée par le féminisme des années 1970 et notamment la question des transferts militants entre la France et les États-Unis. Mais j’aimerais également me lancer dans une histoire de la pilule. Pour le moment je travaille en post-doctorat sur les mobilisations autour le VIH-sida, la question de l’expertise profane dans le domaine de la santé et de ce qu’on appelle désormais la « démocratie sanitaire ».