Par Marine Gilis.
Marine Gilis, Les archiveuses, Mémoire de Master 2, sous la direction de Régis Schlagdenhauffen, EHESS, 2016.
J’ai soutenu en juin 2016 à l’École des hautes études en sciences sociales un mémoire de master en sociologie intitulé « Les archiveuses ». J’ai observé et analysé pendant deux ans le collectif des Archives Recherches Cultures Lesbiennes (ARCL) auquel j’ai consacré mon mémoire de recherche. Durant ces deux années, mon sujet a évolué. Le titre de mon mémoire de M1, d’abord intitulé « ARCL : politiques d’archives, archives politiques », est devenu « Les archiveuses » en M2. En première année de master, j’ai davantage porté mon attention sur la dimension politique du collectif et notamment le discours sur la non mixité, le lesbianisme politique et le féminisme ainsi que les trajectoires individuelles des militantes des ARCL. Je me suis concentrée en deuxième année sur l’histoire du collectif, son fonctionnement et les difficultés traversées ou ressenties par ses membres. Mon travail de recherche m’a amenée finalement à étudier les trajectoires individuelles pour comprendre les logiques et les techniques à l’œuvre dans la collecte et l’archivage, le rapport au public, les projets réalisés, la place des outils numériques et les interrogations sur le devenir des ARCL. La problématique du mémoire est : Comment continuer à transmettre une mémoire lesbienne en période de mutation de l’engagement lesbien et de la circulation des savoirs à l’ère du numérique ?
Ce mémoire se présente en trois parties. La première pose la question de la légitimité de cet objet de recherche que sont les archives lesbiennes. Après une analyse des articles de loi qui déterminent la définition et l’usage des « archives », je me suis interrogée sur ce qui est en jeu dans la conservation, dans la construction de la mémoire collective et dans l’intégration de mémoires plurielles et minoritaires. J’ai ensuite cherché à comprendre comment les lesbiennes s’inscrivent dans une mémoire plurielle, à l’intérieur, en périphérie ou en dehors des mouvements féministes et homosexuels émergeant dans les années 1970. J’ai intégré des exemples de collectifs lesbiens non mixtes étrangers pour évoquer une prise de conscience, dans les pays occidentaux, de la nécessité de se mobiliser pour conserver, valoriser et faire vivre les vécus et luttes lesbiennes.
L’objectif de la deuxième partie est de présenter l’espace dans lequel évolue le collectif. Par espace, il faut comprendre à la fois l’espace physique (les différents lieux de conservation et les problématiques liées à ces lieux), mais aussi le milieu (politique, idéologique, les réseaux en lien avec ce collectif).
Les archiveuses s’interrogent sur leur capacité à bien transmettre et à assurer de façon pérenne ce rôle qui est le leur, celui de « gardiennes du temple ». Leurs interrogations sont présentées dans la dernière partie à travers l’analyse de la visibilité des ARCL et des difficultés ressenties ou vécues au sein du collectif, portant sur la dynamique du groupe, la fréquentation et les missions à assurer. On trouve donc dans ce mémoire aussi bien des extraits de récits de vies, que des données statistiques, une présentation des lieux qu’elles ont occupés, les grands projets réalisés et tous les aspects du collectif qui permettent de rendre compte de leur visibilité, de leurs questionnements et bien sûr de leur histoire.
Mon objectif à ce jour est de poursuivre en thèse en m’intéressant cette fois davantage aux outils numériques et aux modes de circulation des mémoires lesbiennes et féministes, en les comparant aux dynamiques d’autres pays et dans différents types de structures.