Nous avons lu: André Léo, Aline-Ali (1869 rééd. 2011)

André Léo (pseudonyme de Léodile Béra, 1824-1900), romancière, journaliste et essayiste, fondatrice en 1868 de la Société pour la Revendication des droits des femmes, s’est distinguée par son engagement sans concession en faveur des droits individuels, au nom de ses convictions démocrates et socialistes. Sa condamnation pour sa participation à la Commune l’a conduite à un long exil, en partie responsable de l’oubli dans lequel elle a longtemps été reléguée. Son oeuvre est progressivement redécouverte aujourd’hui. Voir le site http://www.andreleo.com

Paris, années 1850. La jeune et charmante Aline de Maurignan s’apprête à épouser l’aimable et fortuné Germain Larrey, quand cette idylle est brutalement interrompue par les révélations de Suzanne, la soeur aînée d’Aline. Désespérée par ses propres malheurs, qui lui ont ouvert les yeux sur l’assujettissement des femmes, elle exhorte sa cadette à ne pas se marier afin de préserver sa liberté et sa dignité. Dotée d’un caractère ferme et indépendant, Aline se voue dès lors à une quête idéaliste : vêtue d’habits masculins, elle voyage sous le nom d’Ali, cherchant à vivre librement, à égalité avec les hommes. Le travestissement engendre des confusions riches d’enseignement : entre Ali/ne et Paolo, des sentiments troubles voient le jour, mais le retour d’Aline à son identité féminine n’apporte pas de solution : comment poursuivre une relation nouée entre égaux, dans une société où les rapports entre hommes et femmes reposent sur une inégalité fondamentale ? De désillusions en renoncements, l’héroïne choisira finalement de dépasser sa révolte personnelle pour se vouer à un engagement social et politique collectif. Un siècle avant l’invention du concept de genre, le personnage d’Ali/ne démontre que les identités sexuées sont des constructions culturelles, historiques et profondément politiques. Par ce roman d’apprentissage et d’amour, qui relève à la fois de l’écriture engagée et de la littérature utopique, André Léo cherchait à éclairer ses contemporain-e-s sur le système patriarcal, mais aussi à interpeller l’ensemble des démocrates sur la question de l’émancipation. Aujourd’hui encore, cette étrange fiction nous met face aux contradictions de notre société concernant les rapports entre les sexes et nous invite à réfléchir aux moyens de notre propre émancipation.

Aline-Ali par André Léo (première édition 1869). Réédition présentée et annotée par Cecilia Beach, Caroline Granier et Alice Primi.
Publiée par l’Association André Léo, Publications Chauvinoises, 2011, 184 pages. ISBN 978-265-99-8. 20 €.