Nous avons lu : Yvonne Knibiehler, La Virginité féminine (2012)

De l’Antiquité à nos jours, la virginité a fait fantasmer et a constitué un sujet d’étude sans fin. Les ouvrages actuels sur le sujet sont pourtant rares bien que, des religions antiques et polythéistes aux grandes religions monothéistes du Livre, la virginité des filles ait été considérée avec intérêt et de façon antinomique selon les époques, les religions et les pays. Aujourd’hui encore, le livre d’Yvonne Knibieler qui éclaire le sujet à la fois de façon particulièrement fine et accessible, nous invite à la réflexion et à la découverte de pratiques sur lesquelles nous croyions tout savoir. Pensée au féminin et magnifiée dans de nombreuses civilisations, la virginité est une richesse qui ne doit pas être galvaudée. Trois des six déesses de l’Olympe, Athéna, Artémis et Hestia, sont vierges. Alors que la Pythie de Delphes est la porte des dieux qui s’expriment à travers son corps, les Vestales demeurent vierges tout le temps de la période féconde, et protègent le foyer domestique et la ville de Rome. Leur virginité est sacrée. Ce livre nous entraîne, au fil des siècles, d’une civilisation et d’une religion à l’autre vers une image de la virginité qui devient la force de celles qui peuvent la conserver : ne dépendant   pas d’un époux, elles peuvent se livrer aux études librement, sans enfanter d’une année à l’autre, pour souvent en mourir. Longtemps, écrit Yvonne Knibiehler, « la virginité   ouvrait (…) aux femmes une forme d’autonomie et une voie d’accès au pouvoir » (p. 118). L’hymen est longtemps ignoré par les médecins comme symbole de la virginité. Actuellement, il reste important pour certains. Il y a peu de temps encore, la vérification de la chasteté de la jeune épouse était fondamentale. Aujourd’hui, la chirurgie restaure l’hymen pour éviter le drame, voire la mort de l’épouse. Ce livre fait donc le point sur un phénomène connu en montrant l’importance de la virginité au fil du temps, même si elle se manifeste différemment selon les périodes et les lieux. Symbole éminemment féminin, « affaire de femmes », mais surtout d’hommes qui surveillent leurs filles et leurs femmes, la virginité représente la liberté des femmes qui choisissent de ne pas se marier ni enfanter. Celles qui réussissent à échapper au mariage ne sont pas toujours aussi libres qu’elles l’espéraient. Après des décennies de liberté sexuelle, les jeunes filles doivent compter avec le retour de bâton de certaines religions.

Colette Avrane, à propos de : Yvonne Knibiehler, La Virginité féminine (Mythes, fantasmes, émancipation), Odile Jacob, 2012, 221 p.