Issorel (I.), Le Mouvement de libération des femmes vu par la presse nationale française (1970 – 1972)

Cette maîtrise étudie le Mouvement de libération des femmes (MLF) à travers le discours de sept journaux de la presse nationale du début des années 1970 : Le Monde et Le Figaro, deux quotidiens de  » qualité  » réputés sérieux ; L’Humanité et La Croix, deux quotidiens d’opinion ; Le Nouvel Observateur et L’Express, deux hebdomadaires d’information générale ; et un journal satirique hebdomadaire, Le Canard Enchaîné. Pour mener à bien cette étude, j’ai choisi huit événements qui correspondent à des manifestations du MLF (sans distinction de tendance précisée) sur la scène publique.

En mettant le projecteur sur la vie privée des femmes, depuis toujours restée dans l’ombre, les féministes ont remis fondamentalement en question les rapports entre les sexes. Ces thèmes subversifs (avortement, contraception, sexualité, violences, sexisme…) ne pouvaient pas laisser les journaux indifférents. Comment la presse réagit-elle aux actions du MLF ? Quelles représentations des féministes véhicule-t-elle ? Ces interrogations sont en relation étroite avec le présent, car si le MLF -et les féministes- n’était pas aussi mal perçu aujourd’hui, je n’aurais peut-être pas eu l’idée de choisir ce sujet. Ainsi,  » il n’y a d’histoire que du présent  » (Marie-France Brive).

Afin de comprendre le discours de presse et essayer de l’éclaircir, il a été nécessaire de préciser, dans un premier temps, quelles furent les relations entre le MLF et les journaux. Cette partie a pu être réalisée grâce au témoignage de quatre féministes (Christine Delphy, Catherine Deudon, Françoise Picq et Anne Zélensky) qui m’ont accordé un entretien. Quand on interroge ces militantes sur l’existence d’une « stratégie de communication », cette question les fait sourire. C’est que la réponse n’est pas simple, mais double : d’une action à l’autre en effet, on retrouve une  » méthode MLF  » (fort symbolisme, humour, didactique, ludisme…) ; mais celle-ci est autant le fruit d’une volonté consciente de transmettre un message que de la spontanéité. D’une manière générale, mises à part des initiatives isolées, il semble qu’il y ait eu une sous-estimation du rôle que pouvait jouer la presse pour le MLF.

L’étude de presse proprement dite révèle le discours ambigu des sept journaux. La subjectivité de chaque journaliste a parfois prévalu sur l’ancrage idéologique de leur journal : face au féminisme, les clivages politiques s’estompent. La place qu’ils accordent au MLF dans leurs colonnes est limitée, sauf à l’occasion du manifeste des  » 343  » et des journées de la Mutualité. De ce fait, la récupération des thèmes lancés par le MLF, sans le citer, fait apparaître les avancées féminines comme une évolution naturelle des mœurs. L’antiféminisme des journaux atteint son paroxysme avec des représentations qui enferment le MLF dans une imagerie très négative : guerre des sexes, misandrie, transgression des rôles sexuels, hystérie, violence… Tels sont les termes empruntés par un antiféminisme qui n’a guère changé depuis la Belle Époque. Intacts aussi sont demeurés les peurs et les fantasmes suscités, depuis l’Antiquité, par les groupes de femmes politisées.

Résumé du mémoire de maîtrise d’Irène Issorel, sous la direction de Djamila Amrane, Université de Toulouse-Le Mirail, 2000 : Le Mouvement de libération des femmes vu par la presse nationale française (1970 – 1972)