Colloque Femmes en correspondances (XVIIe-XVIIIe siècle) – 9-10 juin 2022

 
 

À l’occasion du lancement de la base de données Épistolières17, un colloque se tiendra à l’Université de Montréal pour faire le point sur l’état de la recherche sur la production épistolaire des femmes sous l’Ancien régime. Nous invitons des contributions portant sur des travaux récents ou en cours, à l’intersection des études féminines et de l’épistolaire. Un atelier sera proposé en demi-journée le deuxième jour afin de présenter les fonctionnalités de la base de données Épistolières17 et former les futur.e.s collaborateur.rices à son utilisation.

En dépit de l’apport récent de grandes entreprises éditoriales, comme celle consacrée à la correspondance de Françoise de Maintenon, la contribution des femmes demeure difficile à évaluer dans le domaine de l’épistolaire, où elles ont pourtant été remarquablement prolifiques. L’accès limité aux sources explique en partie la polarisation de la critique sur quelques grandes figures d’épistolières, au détriment de la contribution des travailleuses de l’ombre. C’est à ce déficit de visibilité que compte remédier la base de données Épistolières17, dont l’objectif principal est de fournir un répertoire de la production épistolaire des femmes au XVIIe siècle et de permettre la visualisation des réseaux.

Nous espérons que cette entreprise de réévaluation de l’apport des épistolières encouragera une réflexion théorique à la croisée des études sur le genre et des travaux sur l’épistolaire. Alors que chacun de ces champs suscite, depuis plus de vingt ans, des travaux et des avancées importantes, rares sont les ouvrages collectifs à s’être intéressés à leur articulation. À la suite d’un colloque inaugural tenu à Montréal, Les Femmes de lettres. Écriture féminine ou spécificité générique? (Melançon et Popovic, 1994), L’Épistolaire, un genre féminin? (Planté, 1998) entreprenait de déconstruire le mythe de la supériorité féminine dans le genre épistolaire, tandis que L’épistolaire au féminin. Correspondances de femmes. XVIIIe– XXe siècle (Diaz et Siess, 2006) proposait de s’intéresser aux épistolières elles-mêmes et à leurs pratiques, dans une perspective axée davantage sur la modernité que sur le legs des pionnières. Nous nous proposons de rouvrir ce dossier depuis ses origines – des temps où la lettre constituait une des rares formes admissibles pour les candidates à l’écriture. Quels furent l’influence véritable et le rayonnement des épistolières, minimisés par la suite par les éditeurs de leurs œuvres? Comment les scriptrices parvenaient-elles à acquérir les compétences requises par l’exercice épistolaire? Selon quelles stratégies ont-elles investi un domaine longtemps monopolisé par les doctes? En quoi leur usage de la lettre différait-il de la pratique masculine? Quel a été le rôle des réseaux dans l’inclusion et le recrutement de partenaires féminins? Autant de questions qui permettent d’aborder les correspondances des femmes en se fondant sur la réalité des pratiques et la variété des registres convoqués, sans les renvoyer à un hypothétique critère féminin ou encore à un discours topique (amoureux ou sentimental).

Plutôt que de relancer des débats anciens sur la littérarité des lettres, nous souhaitons nous interroger sur les usages stratégiques de la lettre par les femmes, aussi bien pour se faire une place dans un champ littéraire qui les exclut que pour servir des carrières diverses. En quoi l’activité épistolaire a-t-elle pu constituer un lieu privilégié d’affirmation des agentivités féminines, dans des domaines aussi variés que l’économie, le politique ou le religieux? Il s’agira de montrer que la lettre fournit à celles qui en font usage, et parfois un usage intensif, un lieu stratégique d’ « inscription légitimante » (Dufour-Maître, 2008, 300), en autorisant une publicité qui ne heurte pas les convenances. Des correspondances ne présentant pas, à première vue, d’intérêt littéraire, peuvent ainsi apporter un éclairage décisif sur la zone frontière entre écritures du quotidien, projets d’écriture et carrières d’écrivaines. Pour cette raison, les propositions venues non seulement des études littéraires, mais également des sciences sociales, historiques, ou d’autres horizons disciplinaires seront les bienvenues.